PGP EFAIL – Ce qu’il faut savoir

Trois chercheurs en sécurité ont publié une recherche documentant deux attaques (side channel) sur le chiffrement de courriels par PGP. Il ne s’agit pas d’une faille dans PGP, mais bien dans son implémentation dans divers clients, tels que Apple Mail, Thunderbird, iOS Mail, etc. Ces vulnérabilités devront être corrigées par les clients de courriel.

En attendant, pas de panique – voici quelques mitigations qui permettent de se protéger et de continuer l’envoi de courriels chiffrés de bout-en-bout :

1 – Déchiffrer les courriels PGP dans une autre application que celle qu’on utilise pour lire les courriels. Oui, ça rajoute une étape, mais on s’assure alors de limiter les possibilités d’attaque sur la confidentialité de nos messages.  

2 – Désactiver le rendu HTML des courriels dans son client. Les vulnérabilités identifiées misent sur la séquence de lecture des différents éléments d’un courriel HTML par le client. Par exemple, certains de ces éléments peuvent être des images ou encore des styles de mises en page… Pour désactiver cette fonction, rendez-vous dans les paramètres de votre client et assurez-vous de décocher les cases – autant dans la composition du message que dans sa signature, s’il y a lieu – qui activent le format HTML. Si cette fonction est désactivée, pas de problème!

3 – Informez vos correspondants de cette vulnérabilité! Si un seul des correspondants se comporte de manière non sécuritaire, la confidentialité des messages peut être atteinte

4 – Faites religieusement vos mises à jour (eh oui, encore ça!).

5 – Utilisez un autre canal de communication confidentiel en attendant de confirmer que vos interlocuteurs savent comment mitiger les risques qu’amène cette vulnérabilité.

 

Il y a de bonnes chances que le client courriel que vous utilisez soit affecté – vous trouverez en page 11 du rapport un tableau identifiant les risques pour chaque client.


Pour en savoir plus :

 

https://efail.de

https://efail.de/efail-attack-paper.pdf

https://www.eff.org/fr/deeplinks/2018/05/not-so-pretty-what-you-need-know-about-e-fail-and-pgp-flaw-0

 

Les Chiens de garde #54 – Les PMEs et les attaques informatiques, wangiri et un coup de filet de la police sur le darknet

La 54e émission des Chiens de garde, le podcast de Crypto.Québec sur la sécurité, la vie privée et la surveillance, est en ligne. L’épisode a été enregistré le mercredi 5 juillet 2017.


Type de fichier : OGG / MP3 – Taille : 72,18MB – Durée : 31:32 m (320 kbps 44100 Hz)

Notes de l’émission

  • Annonces:
  • Conseil de la semaine: rappeler des numéros inconnus peut vous exposer à des arnaqueurs. Attention aux fraudes de type wangiri!
  • Bonne nouvelle de la semaine: on peut résister aux fouilles abusives.
  • Sécurité:
    • 60% des PMEs qui sont victimes d’une attaque informatique font faillite dans les six mois suivants.
    • Les allemands redoutent l’interférence russe lors des élections en septembre. Un hack de 2015 pourrait-il être utilisé pour influencer les élections?
    • Kaspersky: un bras des services de renseignement militaire russes?
  • Surveillance:
    • Coup de filet de la police et du FBI envers des contrebandiers opérant sur le darknet à Trois-Rivières.

Équipe

  • Animation : Geneviève Lajeunesse
  • Sonorisation : Mathieu Tessier
  • Chroniqueurs : Jean-Philippe Décarie-Mathieu et Anne-Sophie Letellier
  • Médias sociaux : Sophie Thériault
  • Identité graphique : Bonhomme
  • Indicatif sonore : Danny Provencher / Under Electric Light
  • Autres remerciements : Vues & voix pour les locaux

 

Crypto Québec joint sa voix à une coalition demandant aux “FIVE EYES” de respecter le chiffrement des communications

Vendredi dernier, l’équipe de Crypto.Québec a signé conjointement avec quelque 83 groupes de la société civile une lettre pour se prononcer face aux discussions menées par les gouvernements des FIVE EYES. Ceux-ci ont signifié, dans un communiqué de presse conjoint, le désir de mettre en œuvre une série de mesures pour contrevenir à de potentielles attaques terroristes.

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Les Chiens de garde #28 – Barrett Brown sort de prison, le nouveau narratif sur la surveillance par la GRC et l’utilisation de 0-day par le FBI

La 28e émission des Chiens de garde, le podcast de Crypto.Québec sur la sécurité, la vie privée et la surveillance, est en ligne. L’épisode a été enregistré le mercredi 30 novembre 2016.


Type de fichier : OGG / MP3 – Taille : 47,2MB – Durée : 28:11 m (234 kbps 44100 Hz)

Notes de l’émission

Collaborateurs

L’Association canadienne des chefs de police exige l’accès aux mots de passe : Crypto.Québec s’oppose

Pour quelles raisons l’Association canadienne des chefs de police (ACCP) voudrait-elle avoir accès à vos mots de passe?

La réponse est simple: par manque de compétence et par paresse.

Le 16 août dernier, les chefs de police du Canada ont demandé au gouvernement fédéral une loi pour contraindre les détenteurs d’un mot de passe à le révéler aux forces de l’ordre avec l’approbation d’un juge. Selon eux, « les criminels ont de plus en plus recours au chiffrement pour dissimuler leurs activités illégales en ligne ».

Or, aucune donnée crédible n’existe en ce sens à notre connaissance. Qui plus est, l’ACCP n’a pas daigné en présenter. En retour, plusieurs articles de publications spécialisées réputées existent qui démentent ces affirmations.

Ars Technica et Techdirt expliquaient dans diverses publications récentes que les terroristes qui ont massacré des civils au Bataclan à Paris utilisaient en fait des « burner phones », c’est-à-dire des cellulaires jetables non chiffrés, pour communiquer entre eux. Dans les faits, ce n’est pas le chiffrement qui a empêché de saisir les terroristes du Bataclan avant l’acte, c’est un manque de communication entre les divers corps policiers, une insuffisance de ressources adéquates et une compréhension déficiente des modes de communication employés par les terroristes.

De plus, The Intercept expliquait dans un article datant de septembre 2015, qu’à cette date, le FBI n’arrivait pas à identifier UN SEUL CAS où le chiffrement d’un dispositif a empêché le service de renseignement de continuer une enquête et d’arriver à des conclusions.

Pourquoi? Parce que les services de police et de renseignements ont une autre méthode lorsqu’ils font face à ce genre de situation: le piratage. Il est parfaitement légitime et légal pour les forces de sécurité, lorsqu’elles ont un mandat provenant d’un juge, de pirater un dispositif particulier pour tenter d’en soutirer les données. C’est d’ailleurs ce qui est arrivé aux États-Unis dans le cas des cellulaires des terroristes de San Bernardino. Le FBI a tout d’abord poursuivi Apple pour accéder rapidement et aisément aux données des cellulaires des terroristes. Apple a refusé, disant même être prêt à aller jusqu’en Cour Suprême. Peu de temps après, le FBI accédait aux données en piratant le dispositif. C’est par paresse que le FBI a entrepris de poursuivre Apple. C’est cette même paresse qui motive aujourd’hui la demande de l’ACCP d’avoir accès aux mots de passe des gens qui sont visés par un mandat.

Pourtant, obtenir le mot de passe n’est pas un passage obligé pour les forces policières : elles peuvent simplement utiliser le piratage (des méthodes techniques ou de l’ingénierie sociale) pour obtenir un accès aux données. C’est donc également un problème de compétence de la part des forces de l’ordre du Canada qui se dessine dans cette requête. Si le piratage n’est pas accessible aux membres de l’ACCP, c’est une faiblesse opérationnelle grave à laquelle ils se doivent de remédier. Accorder l’accès aux mots de passe n’est en rien une solution à cette incapacité.

Abaisser la barrière à l’entrée de notre vie privée n’est pas une manière de la protéger.

Soyons clairs : il est difficile de briser les dispositifs qui protègent nos droits fondamentaux et notre vie privée. C’est intentionnel et souhaitable qu’il en soit ainsi.

C’est pourquoi nos gouvernements investissent dans une force de police et de renseignements. C’est pourquoi ces organisations forment des enquêteurs, des cyberenquêteurs, des experts en terrorisme et autres. C’est pourquoi l’on accorde, à travers des textes de loi, des ressources et des pouvoirs extraordinaires à ces gens.

Car nous avons élus des gens qui ont donné des pouvoirs extraordinaires à certaines organisations et dont le principal objectif est de faire tout ce qu’il est possible de faire pour prévenir et réagir aux menaces sans, en contrepartie, déconstruire et empiéter sur les droits et libertés que nous tentons collectivement de protéger.

Reprenons ici les mots du lanceur d’alerte Edward Snowden qui s’exprimait par rapport à la NSA à la chaîne PBS, puisque ceux-ci s’appliquent très bien à la situation actuelle:

« Ce que nous avons vu au cours de la dernière décennie est un abandon de la NSA par rapport à sa mission originale. La NSA est devenue en quelque sorte « l’agence de piratage nationale », ou plutôt l’« agence de surveillance nationale ». Et, du même coup, elle a perdu de vue le fait que tout ce qu’elle fait est censé assurer notre sécurité en tant que nation et en tant que société. »

Le danger de ce que demandent les chefs de police du Canada est encore plus évident lorsqu’on l’analyse en connaissance de cause des usages excessifs de certaines technologies et de l’abus de certains pouvoirs en matière de surveillance de la part des forces de l’ordre de mémoire récente.

À ce sujet, la publication VICE mettait au jour l’utilisation avouée de « Stingrays » (nom sous lequel certains de ces dispositifs sont commercialisés, aussi connus sous le nom technique de « IMSI Catcher« ) au Canada. Ce type d’outil, qui peut être aussi petit qu’une mallette, imite le signal des tours cellulaires. Votre cellulaire s’y connecte croyant qu’il s’agit de la tour la plus proche.

Qu’est-ce que cela permet de faire? Déterminer votre présence (ou du moins celle de votre cellulaire) dans un événement, et lire et écouter tout ce qui passe à travers ses ondes, si ce n’est pas chiffré (nous en parlons notamment dans l’épisode 14 de notre podcast Les Chiens de garde). Il est important de spécifier que cet outil n’est pas discriminant, c’est-à-dire qu’il espionne tout le monde ayant un cellulaire, même ceux qui ne sont pas des criminels et qui n’ont « rien à cacher ». Ce genre d’outil est extrêmement controversé, surtout lorsqu’on sait qu’il est utilisé dans des systèmes dictatoriaux pour déterminer la location et l’identité des manifestants lors de révoltes contre le pouvoir. Il est également utilisé ailleurs en Occident, au Royaume-Uni par exemple, pour identifier les activistes présents aux manifestations.

Pourtant, les manifestants ont le droit de dissimuler leur identité lors de manifestations. Diverses raisons de le faire sont entièrement légitimes, et diverses méthodes pour y parvenir sont acceptables (masques ou autres).  Dans un récent article de La Presse, on apprenait que c’est d’ailleurs pour cela que la Cour supérieure avait invalidé des parties du règlement P-6 de la Ville de Montréal.

« Dans sa décision de 124 pages, celle-ci a déclaré nulle la disposition du règlement interdisant de manifester à visage couvert, estimant qu’il avait une « portée excessive, étant déraisonnable et arbitraire ». Elle l’a aussi déclarée « inconstitutionnelle parce que portant atteinte aux libertés d’expression et de réunion de manière injustifiée ». »

Et malgré tout, même s’il s’agit d’un constat logique, le SPVM a utilisé ce règlement plusieurs centaines de fois depuis 2012 pour justifier l’arrestation de centaines (voire des milliers) de personnes innocentes, sans lésiner, au passage, sur l’utilisation de la force physique.

Cette réflexion s’applique notamment au dispositif Stingray qui retire systématiquement le droit fondamental à manifester tout en dissimulant son identité. Ce gadget identifie de manière non discriminante tous les individus présents à un endroit précis. Vous y êtes avec votre téléphone? Vous êtes captés et fichés par le système, tout bonnement.

Bref, si nous acceptons que le gouvernement du Canada accorde aux policiers du Canada le droit de forcer les citoyens à divulguer leurs mots de passe, même si un mandat est supposément nécessaire, il y aura des abus. Comme il y a eu des abus lors de la mise en place du règlement P-6 tel que démontré plus haut, et comme il y a présentement des abus de la part des policiers de partout dans le monde avec l’utilisation des Stingrays.

Dans les faits, ce dont les forces policières du Canada ont besoin, ce n’est pas de plus de pouvoirs, mais de plus de ressources financières et techniques. Plus de formations. Et surtout, SURTOUT, de plus de leaders politiques compétents et vaillants étant prêts à faire face aux défis technologiques du 21e siècle pour combattre le crime, la violence et la peur, sans tomber dans les abus et la généralisation.

Refusons les fausses solutions qui proviennent d’administrations policières fatiguées, paresseuses et dépassées.

Soutenons le chiffrement et refusons l’obligation de donner nos mots de passe à des gens qui pourraient en abuser.